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Risques sanitaires du changement climatique : à quoi sert la modélisation des risques ?

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Évaluer un risque, c’est toujours le prévoir puisque par définition, le risque est un événement non encore survenu, mais qui est susceptible de survenir. Dès lors, l’évaluation de risque comporte inévitablement une part de prévision, voire de prédiction ou même de spéculation.

Au départ, cette prévision était assez robuste parce qu’elle ne prenait en compte qu’un seul facteur. Par exemple, il est constant que le taux global de mortalité soit plus élevé en hiver que durant les autres saisons. C’est suffisamment établi pour pouvoir l’anticiper chaque année. Ensuite, avec l’avancée des connaissances, l’anticipation est devenue plus complexe en raison du nombre de facteurs à prendre en compte simultanément. Dès lors, la prévision ne peut plus reposer sur une relation simple, elle prend une forme plus complexe et les outils mathématiques utilisés sont pour la plupart d’entre nous des boîtes noires. Ceux que les résultats dérangent ont alors beau jeu d’arguer que ces modèles ne disent pas la vérité et qu’il ne faut ni les croire ni les utiliser. C’est un sujet que j’ai déjà discuté dans mon post du 6 octobre 2013.

Un travail récent du centre de recherche de la Commission européenne en fournit une illustration intéressante. Son objectif est d’évaluer l’impact sanitaire du changement climatique (y compris sous l’angle économique) en Europe. On voit la complexité : il faut modéliser l’impact de la modélisation des évolutions climatiques. Clairement, la lecture d’un tel document ne permet pas de s’assurer que les outils utilisés sont valides. Pour arriver aux résultats, il faut franchir un grand nombre d’étapes : établir un modèle conceptuel des relations entre le climat et la santé (voir mon post du 13 octobre 2013) ; repérer les données permettant d’établir une relation entre l’évolution du climat et les variables d’intérêts (par exemple, la relation entre la température et le niveau de la mortalité) ; prendre en compte les évolutions démographiques prévisibles ; envisager les différents scénarios de changement du climat en Europe ; transformer les résultats concernant les risques sanitaires en valeur monétaire ; prendre en compte le coût des mesures de prévention. Et il faut souligner que cette liste n’est pas exhaustive.

Un travail de cette nature ne peut être réalisé que par des équipes multidisciplinaires de grande taille. Il faut reconnaître honnêtement qu’en dehors des coordinateurs du projet, aucun chercheur ne peut maîtriser l’ensemble du processus. Cette faiblesse est inhérente à la nature de ce travail. Elle peut être diminuée de deux façons : mener des analyses de sensibilité, c’est-à-dire analyser les conséquences sur les résultats d’une modification des hypothèses de départ ; faire critiquer le travail par des scientifiques non impliqués dans celui-ci.

Les résultats obtenus sont franchement inquiétants : plus de 40.000 décès et 170.000 hospitalisations annuels attendus d’ici à 2040. De même, les modèles prévoient un excès de 30.000 cas annuels des maladies transmises par des agents infectieux dans l’eau et les aliments. Ces impacts sanitaires vont provoquer des dépenses qui vont passer progressivement de 500 à près de 1.000 milliards d’Euros annuellement.

Faut-il croire ces résultats ? Non assurément, il y a trop d’hypothèses qu’il n’est pas possible de vérifier. Mais ne sont-ils pour autant sans valeur ni sans intérêt ? Je ne le crois pas pour deux raisons principales. D’une part, ils fournissent des tendances qui sont certes imprécises, mais qui dessinent un futur vraisemblable. D’autre part, au fur et à mesure que l’on avancera dans le temps, il sera possible de comparer les observations aux prévisions pour ainsi améliorer la capacité prédictive des modèles utilisés.

Au final, l’alternative est simple. Soit on prend en compte les résultats des modèles comme données d’entrée des décisions de sécurité sanitaire, malgré leurs limites et les incertitudes dont ils sont entachés. On fait alors de l’avenir un déterminant des décisions présentes, plutôt que de baser celles-ci sur les seules données du passé. Soit, on estime qu’il ne faut prendre des décisions que sur la base d’un niveau de preuves élevé et on accepte de prendre le risque de réagir trop tard, donc d’être inefficace.

C’est une question de fond insuffisamment débattue.














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