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Cigarette électronique : comment mesurer l’efficacité?

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J’ai été surpris de l’abondance des commentaires reçus après mon précédent post. Je souhaitais illustrer la distinction danger / risque en prenant cet exemple, mais cela a suscité un débat bien plus large. Visiblement, la e-cigarette est un grand sujet de société.

Un premier ensemble d’arguments concerne l’intérêt de considérer la e-cigarette comme un médicament et de la soumettre à une procédure de mise sur le marché analogue à celle des médicaments. Cela aurait une certaine logique puisqu’on met de l’avant l’intérêt de ce produit pour guérir de la dépendance tabagique. On pourrait donc lui donner le même statut que les patchs nicotiniques et le vendre en pharmacie – voire le rembourser par l’assurance maladie. D’un autre côté, il serait paradoxal que le tabac soit en vente libre et la e-cigarette en vente restreinte à la pharmacie. Cela d’autant que l’on peut concevoir un usage purement récréatif de ce produit, sans nécessairement qu’il soit utilisé pour quitter le tabac.

Le véritable enjeu est en fait le contrôle de la qualité du liquide utilisé par la e-cigarette. Je maintiens sur la base des données disponibles que les vapeurs émises sont dangereuses, mais avec un niveau de risque vraisemblablement bien plus faible que celui du tabac. Moins il y aura d’impuretés et moins il y aura de substances dangereuses inhalées. On peut admettre que cela relève plus du Code de la consommation que du Code de la santé publique.

Un autre ensemble d’arguments est relatif à l’efficacité de la e-cigarette pour réduire la dépendance au tabac. C’est une question plus compliquée qu’il ne semble en première approche. Par exemple, un sondage qui demanderait à des vapoteurs s’ils ont cessé d’utiliser la cigarette ne serait pas probant. Cela pour de nombreuses raisons, par exemple le fait que s’ils sont devenus vapoteurs, c’est parce qu’ils voulaient quitter le tabac. Et si ce sondage est réalisé à partir d’un site web qui sollicite des témoignages en ce sens, les biais sont tellement forts que les résultats sont sans valeur.

Pour évaluer l’efficacité d’un produit ou d’une pratique au regard d’un objectif donné (ici l’arrêt du tabac), il faut nécessairement avoir un terme de comparaison. Par exemple, comparer deux groupes, l’un voulant quitter le tabac en utilisant la seule volonté et l’autre utilisant la e-cigarette. Ou bien comparer deux groupes voulant quitter le tabac, l’un utilisant la cigarette et l’autre le patch nicotinique (ou un médicament ou l’acupuncture, etc.). En toute rigueur, ces deux groupes doivent être tirés au sort comme on le fait quand on teste des médicaments.

C’est exactement ce qu’on fait des chercheurs néo-zélandais qui ont publié leur travail dans une revue britannique réputée, The Lancet. Ils ont réparti par tirage au sort trois groupes parmi 657 personnes voulant quitter le tabac : e-cigarette avec 16 mg de nicotine, e-cigarette avec 0 mg de nicotine (placebo) et patch avec 21 mg de nicotine. Un suivi de la consommation de tabac a été réalisé pendant 6 mois. L’abstinence était de 7,3% dans le premier groupe, de 4,1% dans le deuxième et de 5,8% avec les patchs. Je ne veux pas ici faire un cours de statistique, mais le lecteur doit comprendre que dès lors que l’on compare des échantillons, il y a une fluctuation dite aléatoire qui est possible. Celle-ci est prise en compte par le calcul d’un test statistique qui permet de savoir si la différence observée est significative ou non. Dans le cas présent, la différence entre les 3 groupes n’est pas significative. Une manière simple de résumer cela est de dire que dans cette étude, la e-cigarette n’a pas montré qu’elle était plus efficace qu’un patch ou qu’une e-cigarette placebo en termes de nicotine.

Sur un sujet complexe comme celui-là, la conclusion ne doit pas reposer sur une seule étude. Comme l’ont signalé certains lecteurs de ce blog, une seule marque de e-cigarette a été testée et un seul dosage de nicotine. D’autres études sont donc nécessaires, mais celles qui n’utiliseront pas la procédure de tirage au sort auront un niveau de preuve faible.

Ainsi, s’agissant d’un produit de grande consommation, non seulement la qualité des liquides devrait être certifiée, mais si les commerçants utilisent une allégation sanitaire, celle-ci devrait être évaluée rigoureusement. Cela est faisable comme The Lancet vient de le publier.














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